lundi 6 janvier 2020

Gloria Mundi de Robert Guédiguian

       
     

Daniel sort de prison où il était incarcéré depuis de longues années et retourne à Marseille. Sylvie, son ex-femme, l’a prévenu qu’il était grand-père : leur fille Mathilda vient de donner naissance à une petite Gloria. Le temps a passé, chacun a fait ou refait sa vie… En venant à la rencontre du bébé, Daniel découvre une famille recomposée qui lutte par tous les moyens pour rester debout. Quand un coup du sort fait voler en éclat ce fragile équilibre, Daniel, qui n’a plus rien à perdre, va tout tenter pour les aider. (AlloCiné)


Qu'est-ce que je retiens du dernier Robert Guédiguian quelques semaines après l'avoir vu en avant-première en présence de l'équipe du film ?
Sincèrement, pas grand chose, c'est gentil mais ça ne casse pas trois pattes à un canard.
Cela relève plus d'un téléfilm que d'un film et personnellement j'en ai quelque peu assez d'aller au cinéma voir une histoire et une mise en scène qui relève de la télévision plutôt que du grand écran.
Alors oui, il y a de très beaux plans dans ce film, tout particulièrement de Marseille et de cet immeuble récent au port dans lequel le personnage d'Ariane Ascaride fait le ménage et regarde dans le lointain par les immenses baies vitrées.
Oui, c'est aussi un film très actuel, dénonçant la société ultralibérale, qui croque assez bien le monde actuel, mais j'ai aussi trouvé l'ensemble un peu trop manichéen.
Oui, le casting est bon, mais Ariane Ascaride méritait-elle un prix d'interprétation à Venise ? (pour moi : non.)
Il y a "l'équipe" Guédiguian : Ariane Ascaride, Jean-Pierre Darroussin, Anaïs Demoustier, Gérard Meylan, c'est sympathique de les revoir à chaque film dans des rôles différents, mais c'est aussi un manque d'originalité, pour ne pas dire de prise de risque.
J'ai apprécié la présence de Robinson Stévenin, plutôt discret à l'écran, à mes yeux la seule idée originale du casting.
Si je devais mettre une couleur à ce film : noir, car comme le dit la chanson "Noir c'est noir, il n'y a plus d'espoir", et c'est exactement ce qui ressort du film : si la scène d'ouverture et la naissance de Gloria laissait présager d'un peu de lumière les personnages sont vite rattrapés par le quotidien et la dureté de la vie.
A éviter de voir lorsque l'on a des tendances dépressives, ou tout simplement marre de la pluie et du ciel gris de ces derniers mois.
Je vais au cinéma pour me divertir, là j'ai eu l'impression de voir une histoire format long du journal télévisé, je n'ai pas besoin de le voir en image je le constate déjà au quotidien, clairement ce genre de film n'est pas fait pour moi en ce moment.


"Gloria Mundi" n'est pas un mauvais film de Robert Guédiguian, c'est un mélodrame bien déprimant qui ne m'a guère convenu dans cette ambiance morose et ce ciel gris.

vendredi 3 janvier 2020

Les hirondelles de Kaboul de Zabou Breitman et Eléa Gobbé-Mévellec

       
     

Été 1998, Kaboul en ruines est occupée par les talibans. Mohsen et Zunaira sont jeunes, ils s’aiment profondément. En dépit de la violence et de la misère quotidienne, ils veulent croire en l’avenir. Un geste insensé de Mohsen va faire basculer leurs vies. (AlloCiné)


Je n'avais pas lu le roman de Yasmina Khadra avant d'aller voir ce film (c'est chose faite depuis), mais j'en connaissais les très grandes lignes de l'histoire.
Le pari était audacieux : comment réussir à adapter un roman aussi dur et fort ?
Et bien par le biais du dessin animé, plus particulièrement grâce à des dessins faits à l'aquarelle, une façon d'atténuer la dureté de l'histoire et du devenir des personnages, sans pour autant perdre le message principal de l'histoire.
C'est aussi une façon de rendre les images supportables.
Énorme travail de Zabou Breitman, mais surtout d'Eléa Gobbé-Mévellec, qui a oeuvré à l'animation sir "Ernest et Célestine".
Si le film n'est sorti que récemment, le travail derrière a nécessité près de trois ans, entre l'animation mais aussi l'enregistrement des voix et au préalable l'écriture du scénario.


En tant que femme j'ai été touchée par le personnage de Zunaira, cette professeur de dessin qui se retrouve enfermée chez elle et enfermée sous une burka lorsqu'elle sort de chez elle, interdite d'exercer sa profession, interdite de parler, de s'habiller comme elle le souhaite, de tenir la main de son mari en pleine rue et encore moins de l'embrasser, en somme, interdite de vivre.
Elle a un côté touchant de par les privations qu'elle subit mais aussi par son côté rebelle (mention spéciale à la chanson "Burka blue" du groupe Burka Band).
Même si j'ai deviné quelle tournure allait prendre le destin de Zunaira j'ai pris plaisir, et j'ai frissonné, à le suivre.
Les autres personnages m'ont aussi émue, les femmes bien évidemment, comme Mussarat, mais aussi certains hommes comme Atiq qui assistent à la négation de la liberté et tentent à leur façon de lutter contre ce régime obscurantiste.
Obscurantiste au point de lapider publiquement des femmes ou descendre les hirondelles sous prétexte que leur chant est nuisible.
N'oublions pas que cette histoire est inspirée de faits réels, que tout cela s'est passé il n'y a pas si longtemps que ça, dans un pays pas si loin que ça.
L'obscurantisme ne doit pas triompher, il est important de lutter contre, que l'expression de chacun demeure libre.
Voilà un film d'animation qui renvoie chacun face à ses convictions et ses engagements.


"Les hirondelles de Kaboul" est l'un des films d'animation les plus réussis de 2019, magnifique tant sur le fond que sur la forme.

jeudi 2 janvier 2020

A couteaux tirés (Knives out) de Rian Johnson

       
     

Célèbre auteur de polars, Harlan Thrombey est retrouvé mort dans sa somptueuse propriété, le soir de ses 85 ans. L’esprit affûté et la mine débonnaire, le détective Benoit Blanc est alors engagé par un commanditaire anonyme afin d’élucider l’affaire. Mais entre la famille d’Harlan qui s'entre-déchire et son personnel qui lui reste dévoué, Blanc plonge dans les méandres d’une enquête mouvementée, mêlant mensonges et fausses pistes, où les rebondissements s'enchaînent à un rythme effréné jusqu'à la toute dernière minute. (AlloCiné)


Vous aimez Agatha Christie ? Vous aimez le mystère ? Vous avez l'âme d'un détective pour résoudre un crime ?
Ce film est fait pour vous.
Tout y est : l'ambiance, la maison bizarre, la famille qui sourit par-devant pour mieux se tirer dans les pattes par-derrière, le personnel discret mais observateur, le meurtre et le détective.
Cette histoire m'a beaucoup fait penser à Agatha Christie, elle est sans nul doute inspirée par un ou plusieurs romans de cette auteur, notamment par plusieurs ficelles auxquelles elle a eu recours dans ses intrigues, avec un détective futé qui finit par deviner le mot de la fin.
Et de mettre un détective répondant au nom de Benoit Blanc, difficile de ne pas penser à Hercule Poirot.
Outre l'enquête, le film mélange mystère, analyse des personnages et de leurs motivations et également humour.
Car certains répliques sont franchement drôles et amènent un vent de légèreté bienvenu dans l'intrigue.
Du côté de l'intrigue, je ne raconterai rien qui puisse vous permettre de deviner quoi que ce soit, je vous invite juste à être vigilant à certaines phrases, c'est ce qui pour ma part m'a permis de deviner la fin sans que cela ne me retirer le moindre plaisir à voir le film.


Si Rian Johnson avait beaucoup déçu après la réalisation du "Star Wars : Les derniers jedi", il se rattrape ici avec un film bien pensé, bien conçu et bien réalisé.
J'ai apprécié sa mise en scène, il y a beaucoup de rebondissements et aucun temps mort dans le film qui est conçu comme un Cluedo version cinématographique.
Les décors ont également leur importance, la maison est particulièrement bien choisie : inquiétante, truffée de portes secrètes, de coins et de recoins, avec une décoration effrayante (entre les statues et les couteaux ...).
Quant au casting, il est extrêmement riche, entre de grands noms du cinéma comme Jamie Lee Curtis, Chris Evans, Michael Shannon (difficilement reconnaissable), Toni Collette, Christopher Plummer, Don Johnson; et d'autres moins connus mais qui vont connaître un grand avenir : Ana de Armas est déroutante par sa fraîcheur et son naturel; quant au détective Benoit Blanc il est interprété par un Daniel Craig réjouissant et au sommer de son art, un rôle qui lui va particulièrement bien.


"A couteaux tirés" est l'un des films les plus réjouissants et mordants de la fin d'année 2019, un bon moment de cinéma et une belle façon de clore l'année.

dimanche 29 décembre 2019

Martin Eden de Pietro Marcello

       
     

À Naples, au cours du 20ème siècle, le parcours initiatique de Martin Eden, un jeune marin prolétaire, individualiste dans une époque traversée par la montée des grands mouvements politiques. Alors qu’il conquiert l’amour et le monde d’une jeune et belle bourgeoise grâce à la philosophie, la littérature et la culture, il est rongé par le sentiment d’avoir trahi ses origines. (AlloCiné)


L'oeuvre originale de Jack London est de toute beauté à lire, que pouvait donc bien valoir cette adaptation ? Qui plus est transposition dans l'Italie du 20ème siècle ?
Et bien non seulement l'adaptation est réussie mais le film aussi, preuve que lorsqu'un écrit est fabuleux il peut s'adapter, se transposer, il est intemporel et universel, autant de qualités réunies par "Martin Eden".
Le thème de l'oeuvre de Jack London est sauvegardée : un jeune autodidacte cherche à s'élever socialement pour les beaux yeux d'une bourgeoise.
On comprend plus ou moins que l'histoire se situe au 20ème siècle mais les pistes sont brouillées : passé, présent, extraits de documentaires dans le film, avec en toile de fond la montée du fascisme.
Il ne faut pas se laisser rebuter par ce mélange de genre, pour ma part j'ai énormément apprécié l'ensemble, d'autant que la mise en scène est réussie, et je me suis laissée emportée dès les premières images dans cette histoire désespérée et cruelle.
Avec en prime l'agréable surprise de constater que l'essence du roman de Jack London était bien là, comme quoi le parcours de Martin Eden peut s'appliquer à tout un chacun, prendre place dans n'importe quel pays et à n'importe quelle époque.


L'interprétation de Martin Eden a été confiée à Luca Marinelli, splendide de justesse et dont le jeu d'acteur est brillant.
Il se fond dans le personnage, il l'incarne, il l'habite et s'en imprègne jusqu'au plus profond de son être.
Voilà un comédien que je ne connaissais pas, mais quelle découverte !
Et quel talent.
Quant au réalisateur Pietro Marcello il se sort haut la main de cette mise en scène et a su adapter avec brio le roman de Jack London.
Le thème du roman, le conflit des classes à travers la culture, est bien présent dans le film, cela aurait presque pu être un conte tant le film balaie l'histoire du 20ème siècle, au final je le trouve d'actualité car le fond n'a pas vraiment changé même si la culture tend à s'étendre à un plus grand nombre.
Je suis quelque peu surprise que l'on ait pas plus parlé de ce film, pourtant présenté à la Mostra de Venise (d'ailleurs Luca Marinelli a coiffé au poteau Joaquin Phoenix en remportant le prix du meilleur acteur), peut-être parce que le cinéma Italien ne fait plus trop parler de lui (à tort) depuis quelques années et que beaucoup s'y est désintéressé (à tort là encore).


"Martin Eden" est une excellente adaptation du roman de Jack London qui a su en conserver l'essence principale, un beau film de l'automne 2019.

samedi 28 décembre 2019

Sunset de László Nemes

       
     

1913, au cœur de l’empire austro-hongrois. Irisz Leiter revient à Budapest après avoir passé son enfance dans un orphelinat. Son rêve de travailler dans le célèbre magasin de chapeaux, autrefois tenu par ses parents, est brutalement brisé par Oszkar Brill le nouveau propriétaire. Lorsqu’Írisz apprend qu'elle a un frère dont elle ne sait rien, elle cherche à clarifier les mystères de son passé. A la veille de la guerre, cette quête sur ses origines familiales va entraîner Irisz dans les méandres d’un monde au bord du chaos. (AlloCiné)


Après la claque qu’était "Le fils de Saul", László Nemes était attendu au tournant, et comment rebondir après un tel film ? Quel sujet traiter ? C’est un saut dans le temps que propose le réalisateur, en situant son intrigue dans l’empire austro-hongrois de 1913. Son personnage principal est cette fois-ci féminin, ingénue, de retour à Budapest avec le rêve de travailler dans le célèbre magasin de chapeaux qui a autrefois appartenu à ses parents. Mais le nouveau propriétaire du magasin va briser son rêve, et la jeune Irisz va en plus apprendre qu’elle a un frère, plutôt louche, va décider de le découvrir et se met en quête de son passé et de ses origines.


Dans son précédent film, le réalisateur plongeait directement le spectateur dans le chaos et l’horreur, ici il choisit de le placer à la veille de l’embrasement de l’Europe et du basculement dans l’horreur du premier conflit mondial. C’est une démarche fort intéressante et à mes yeux ce film est complémentaire du précédent. Le réalisateur continue de creuser la problématique du Mal, celui qui est absolu et qui pousse les individus à commettre des atrocités. L’Europe est sur le point de s’embraser, le crépuscule qui donne son nom au film, mais l’héroïne va aussi cheminer vers la noirceur, les bas-fonds à la recherche de son fantôme de frère et finir par y perdre toute ou partie de son âme. C’est la fin de son innocence, la découverte d’un passé trouble mais aussi de ressources internes insoupçonnées. En cela, la dernière image du film est particulièrement forte et bouscule le spectateur, en tout cas ce fut mon cas et elle m’a laissée sans voix.


László Nemes a choisi de tourner son film dans son pays natal et d’y trouver ses comédiens. La jeune Juli Jakab, actrice inconnue en France, est un choix judicieux et interprète remarquablement le personnage d’Irisz. On a un peu trop tendance à oublier le cinéma Hongrois, fort heureusement doté de quelques excellents réalisateurs, et Budapest ne sert pas que de lieux de tournage bon marché mais peut aussi être au cœur d’un film, presque un personnage à part entière ici. László Nemes a une façon bien à lui de filmer, il utilise le flou en ne laissant de clair que son personnage et en floutant tout le reste (la scène de la descente du train d’Irisz est le pendant de la scène d’ouverture dans "Le fils de Saul"), sa mise en scène est particulièrement léchée, pour ne pas dire grandiose. Certains diront qu’il en use et en abuse et qu’il prend sans doute même plaisir à s’auto-congratuler bien conscient de son savoir-faire et de sa maîtrise. Quand on maîtrise bien sa technique et que l’on aime filmer ainsi je ne vois pas bien pourquoi on s’en priverait. Certains réalisateurs auraient même de sacrées leçons de mise en scène à prendre tant la leur est inexistante. Ce second film a en tout cas conforté mon opinion sur ce réalisateur.


"Sunset" est sans doute l’un des films de 2019 les plus oubliés, où les spectateurs sont passés à côté. Je l’ai trouvé pour ma part assez puissant et évocateur ; en droite ligne avec "Le fils de Saul", les deux portant sur une même réflexion mais à des époques légèrement différentes.

vendredi 27 décembre 2019

Une vie cachée (A Hidden Life) de Terrence Malick

       
     

Franz Jägerstätter, paysan autrichien, refuse de se battre aux côtés des nazis. Reconnu coupable de trahison par le régime hitlérien, il est passible de la peine capitale. Mais porté par sa foi inébranlable et son amour pour sa femme, Fani, et ses enfants, Franz reste un homme libre. (AlloCiné)


Voilà bien longtemps que je n'avais pas vu un film de Terrence Malick, ses derniers films ne m'avaient pas franchement inspiré, mais l'avantage avec ce réalisateur, c'est que dès les premières minutes on sait tout de suite que c'est lui à la réalisation.
"Une vie cachée" n'y fait pas exception, beaucoup de paysages, la nature très présente, de grands plans filmant les espaces préservés de la montagne, peu de dialogues, quelques retours en arrière qui viennent agrémentés l'histoire des personnages.
L'histoire narrée ici est inspirée de faits réels, un paysan autrichien ayant refusé de se battre aux côtés des nazis et de prêter allégeance à Hitler. Reconnu coupable de trahison il est passible de la peine capitale, mais l'important pour lui c'est de vivre et de mourir en homme libre, fidèle à ses pensées et à ses choix, et porté par sa foi en Dieu et son amour pour sa femme et ses filles.
Comportement on ne peut plus louable mais qui reste pourtant peu compréhensible par un grand nombre de personnes.
C'est d'ailleurs ce que beaucoup de personnes lui diront pour tenter de le faire changer d'avis, à l'exception de sa famille, mais Franz ne cédera pas.
Voilà un personnage discret dont l'attitude me touche, et c'est sans doute ce que je retiendrai de ce film.
Ainsi que la beauté des paysages de montagne, de la vie simple et heureuse qui est bouleversée par une guerre ayant lieu à des milliers de kilomètres de là mais qui va influer le destin de chacun.
Et puis la musique, car la partition musicale colle à merveille avec les images, la photographie du film, ainsi que les personnages et ce qui les anime.


Maintenant il y a deux points négatifs dans ce film, tout d'abord sa longueur, près de trois heures.
C'est par moment longuet, il y a de plus un découpage temporel irrégulier, j'ai eu parfois la sensation que les saisons passaient plus rapidement, tout comme les mois et les années alors que ce n'est pas le cas.
Le réalisateur déstabilise en distillant partiellement des repères chronologiques, d'un autre côté venant de sa part cela n'est pas surprenant.
Ensuite la langue utilisée, les personnages se parlent entre eux en anglais, voilà qui est quelque peu gênant pour une historie se déroulant en Autriche; mais le pompon c'est que par moment lorsqu'il y a des interactions entre plusieurs personnages les échanges se font en allemand.
Ce choix est tout bonnement incompréhensible, soit c'est de l'anglais en permanence et donc un anachronisme, soit c'est de l'allemand, mais pas quand cela arrange le réalisateur dans une langue et ensuite dans une autre.
Le ménage des genres m'a franchement gênée tout le long du film, pour ne pas dire agacée.
Ou alors une subtilité m'a échappée.
Le casting est réussi, August Diehl incarne très bien Franz, ainsi que Valerie Pachner à Fani, j'ai également été touchée par la ressemblance et la complémentarité de Maria Simon incarnant la sœur de Fani.


"Une vie cachée" est un hommage à une forme de résistance, celle de ne jamais renoncer à ses convictions, mais qui souffre de longueurs qui ternissent quelque peu la belle image dégagée par ce film.

jeudi 26 décembre 2019

Le chant du loup d'Antonin Baudry

       
     

Un jeune homme a le don rare de reconnaître chaque son qu’il entend. A bord d’un sous-marin nucléaire français, tout repose sur lui, l’Oreille d’Or. Réputé infaillible, il commet pourtant une erreur qui met l’équipage en danger de mort. Il veut retrouver la confiance de ses camarades mais sa quête les entraîne dans une situation encore plus dramatique. Dans le monde de la dissuasion nucléaire et de la désinformation, ils se retrouvent tous pris au piège d’un engrenage incontrôlable. (AlloCiné)


Mayday, mayday, sous-marin en détresse !
 Ce film d’espionnage et d’action à la Française n’a rien à envier à ses comparses Américains. L’Oreille d’or n’est pas infaillible et une erreur de sa part va avoir des conséquences insoupçonnées : tout d’abord mettre l’équipage du sous-marin en péril, mais ensuite conduire à prendre des décisions et engager des actions encore plus dramatiques.
Claustrophobes s’abstenir, ce film est en quasi immersion dans un sous-marin nucléaire (si vous n’avez eu l’occasion de visiter un sous-marin je vous invite à le faire, pour ma part je l’ai fait et je ne peux que confirmer l’étroitesse du bâtiment qui restreint les gestes et les attitudes et peut conduire facilement à péter un câble lorsque l’enfermement dure longtemps).
L’action est dans un lieu limité mais la tension n’en est que plus palpable. Antonin Baudry n’a pas pensé son intrigue à la légère, il s’est documenté, n’a pas hésité à mettre ses comédiens en immersion avec des sous-mariniers afin de rendre leur comportement crédible, et surtout il a cherché où pouvait être la faille dans le dispositif Français pour bâtir son scénario.
Le film permet à la fois de découvrir les arcanes du pouvoir et des décisions militaires, en cela Antonin Baudry n’en est pas à son coup d’essai, mais aussi de découvrir la vie des sous-mariniers, des militaires dont on parle peu et qui ne sont pas assez mis en avant, qui travaillent dans des conditions difficiles et dont l’action est loin d’être neutre pour la France.
Crédibilité est le maître mot de cette histoire, les comédiens ont travaillé avec des sous-mariniers, il n’y a aucune fausse note à l’écran tant ils paraissent à l’aise et dans leur élément.


Côté intrigue, elle est particulièrement bien ficelée et va crescendo, c’est parfois rare pour être souligné mais il y a un scénario, un vrai.
Le son a son importance, c’est pourquoi l’expérience de voir ce film dans une salle obscure est sans doute plus forte que chez soi.
Entre le bruit de la mer, à bord, les sons perçus par l’Oreille d’or et le fameux chant du loup, mieux vaut être muni d’un équipement adéquat pour vivre pleinement l’immersion.
Outre l’intrigue, j’ai particulièrement apprécié la dualité du personnage de l’Oreille d’or, il est à l’aise enfermé sous l’eau à écouter les sons, par contre à l’extérieur, dans un espace illimité il vit mal car pollué par trop de sons et ayant quelques difficultés dans ses relations humaines.
Là encore c’est un aspect de ce métier, les personnes qui l’exercent ont ce que l’on appelle l’oreille absolue et sont gênés par la pollution sonore bien trop importante à notre époque.


Le casting est alléchant et regroupe de grands noms du cinéma : Omar Sy, Reda Kateb, Mathieu Kassovitz, ainsi qu’un nouveau venu qui se fait une sacrée place dans le milieu cette année : François Civil.
Casting majoritairement masculin, mais qui offre aussi un joli rôle féminin à Paula Beer et un peu de douceur dans ce monde de brutes.
J’ai été agréablement surprise par la construction du film et la richesse de son scénario, comme quoi en France il est aussi possible de réaliser des films d’action et de suspens.
Et puis la séance restera aussi comme l’un de mes moments forts de 2019, avec la venue d’Antonin Baudry et Reda Kateb pour un débat avec la salle, l’occasion d’en apprendre beaucoup sur la façon de faire le film, le travail des comédiens, et plus généralement tout le travail derrière ce film.


"Le chant du loup" fait partie de ses bonnes surprises cinématographiques de 2019, un film mêlant espionnage et action le tout sous un fond vraisemblable et particulièrement documenté, servi par un casting cinq étoiles.

mardi 24 décembre 2019

La favorite de Yórgos Lánthimos

       
     

Début du XVIIIème siècle. L’Angleterre et la France sont en guerre. Toutefois, à la cour, la mode est aux courses de canards et à la dégustation d’ananas. La reine Anne, à la santé fragile et au caractère instable, occupe le trône tandis que son amie Lady Sarah gouverne le pays à sa place. Lorsqu’une nouvelle servante, Abigail Hill, arrive à la cour, Lady Sarah la prend sous son aile, pensant qu’elle pourrait être une alliée. Abigail va y voir l’opportunité de renouer avec ses racines aristocratiques. Alors que les enjeux politiques de la guerre absorbent Sarah, Abigail quant à elle parvient à gagner la confiance de la reine et devient sa nouvelle confidente. Cette amitié naissante donne à la jeune femme l’occasion de satisfaire ses ambitions, et elle ne laissera ni homme, ni femme, ni politique, ni même un lapin se mettre en travers de son chemin. (AlloCiné) 


Voilà un des films les plus irrévérencieux de l’année, et sans doute l’un des plus jouissifs servi par une mise en scène magistrale.
Il y a des homards, des lapins, des chevaux, et deux femmes qui se battent pour qui aura sa place dans le cœur (et le lit parfois) de la reine Anne.
L’histoire se passe au 18ème siècle mais le réalisateur n’a pas hésité à y mettre des remarques fort contemporaines dans la bouche de ses héroïnes, tout en bâtissant son film comme une pièce de théâtre en plusieurs actes.
A voir la reine Anne et son comportement, ainsi que celui de sa bien-aimée Lady Sarah qui dirige tranquillement le pays à la place de la monarque, tandis que l’arriviste Abigail Hill aux dents qui rayent le parquet est bien décidée à écarter sa rivale pour occuper la place à la droite de la reine à elle toute seule, on se demande quelle mouche a bien pu piquer l’imagination du réalisateur.
Rien, aucune mouche, c’est ça le plus fou, c’est une histoire vraie.
Bon sang, en Angleterre ils ont aussi eu de sacrés monarques avec des histoires rocambolesques à raconter.
Quant à l’élégance et la classe aristocratique d’Abigail elle repassera la jeune fille, la vilaine pour qui tous les coups sont permis, face à Lady Sarah elle ne peut souffrir la comparaison mais voilà, le monde est ainsi fait que ce sont les plus malignes qui finissent par gagner.


Olivia Colman sort de l’écran de télévision et de la petite ville pas si paisible que ça de Broadchurch pour incarner une reine Anne détestable, malade, fortement présente, qui subit plus qu’elle ne fait subir et dont le jugement est quelque peu altéré. Olivia Colman c’est la grande classe dans son interprétation, elle est tout simplement éblouissante de justesse et elle incarne son personnage.
L’académie des Oscars ne s’y est pas trompée en lui remettant la prestigieuse statuette.
La cravache va bien à Rachel Weisz, une actrice à la fois discrète mais à la filmographie pas si mince que cela, et que j’ai toujours autant plaisir à voir à l’écran.
Quant à Emma Stone elle a fini de chanter, La la la, elle a retrouvé la land d’Angleterre et la voilà incarnant une rosse, et qu’est-ce qu’elle le fait bien.
Un rôle à l’encontre de son précédent, un choix à mes yeux risqué mais sage après son sacre aux Oscars, et une façon de montrer qu’elle ne l’a pas volé son prix, qu’elle sait rebondir et qu’il faudra compter sur elle dans les années à venir à l’écran.
Les hommes ? Je ne sais plus, ils servent de toile de fond, ils ne sont pas importants car ici il est question de femmes, de féminité, de rivalité, de pouvoir et elles peuvent tout à fait se passer d’eux.


"La favorite" de Yórgos Lánthimos est sans doute l’un des films les plus réjouissants du début 2019 qui mérite d’être vu et revu, servi par une mise en scène particulièrement habile et des comédiennes éblouissantes.